Article publié le 10 septembre 2020 sur le site internet de “AREC île-de-France“, Le département énergie climat de l’institut Paris région. Il a été rédigé par les auteurs suivants : Narjis Mimouni et Thomas Hemmerdinger.
https://www.arec-idf.fr/nos-ressources/le-boom-des-energies-citoyennes-en-ile-de-france.html?utm_source=email&utm_campaign=6clics_lactu_de_LInstitut_Paris_Region__132__24_septembre_2020&utm_medium=email
Alors que la Convention citoyenne pour le climat appelle à la généralisation de la participation citoyenne dans les projets d’énergies renouvelables, cette seconde Chronique de la transition énergétique explore cet enjeu de réappropriation de l’énergie par les citoyens. Depuis 2015 et la COP21, l’Île-de-France connait une vraie dynamique, marquée à la fois par la création de coopératives citoyennes d’énergie renouvelable et par le développement du financement participatif. Nous nous intéresserons ici au développement de ces deux types de projets et par ce biais, au nouveau jeu d’acteurs et de leurs relations.
Réappropriation de l’énergie par les citoyens, vers une mutation de la gouvernance de l’énergie ?
Généralement assimilée à un chiffre en kWh ou en euros sur une facture, l’énergie est au cœur du fonctionnement de nos sociétés techniques mais demeure mal comprise ou appréhendée par tout un chacun alors que se multiplient les discours sur une nécessaire transition énergétique. La prise de conscience sur le changement climatique et le rôle de l’énergie dans l’évolution de celui-ci (en particulier la place prépondérante des énergies fossiles dans notre mix énergétique, cf. chroniques #1), de plus en plus de citoyens s’intéressent à la transition énergétique et à leurs capacités à agir dans différents domaines (consommation, foyer, mobilité, territoires, etc.) avec des niveaux d’engagement propres à chacun.
Les leviers d’actions du citoyen en matière de transition énergétique
Les travaux de la Convention citoyenne pour le climat, expérience démocratique réunissant 150 personnes tirées au sort pour accélérer la lutte contre le changement climatique, ont récemment mis en avant la place des citoyens dans les politiques énergétiques. Un objectif y est notamment dédié :
Objectif PT11 « production stockage et redistribution d’énergie pour et par tous, adopté à 96,5% »
Avec une proposition en particulier :
Proposition PT11.2 « Participation des citoyens, entreprises locales, associations locales et collectivités locales aux projets énergies renouvelables (EnR) ».
Le rapport de la Convention précise que « Nous voulons que d’ici 2023 tout le monde puisse participer à la production d’énergie verte à toutes les échelles du territoire […] ». Le rapport n’oublie pas la place des énergies renouvelables dans la transition énergétique tout en rappelant la priorité de la sobriété énergétique, et de la préservation de la biodiversité, et propose de « Changer en profondeur les comportements en incitant les particuliers à réduire leur consommation d’énergie ».
Les points de départs de ces changements sont multiples. En premier lieu, une grande variété de services et d’outils sont proposés avec, en première ligne, le sujet de la mise à disposition de la donnée. Des acteurs publics et privés collaborent autour du développement d’outils et de solutions concrètes, à l’image du Linky et du Gazpar déployés par les gestionnaires de réseaux (des compteurs communicants respectivement d’électricité et de gaz). Les nouveaux moyens de suivi, d’analyse et de maîtrise de la consommation d’énergie participent aux efforts de communication et de pédagogie auprès des citoyens. Ils permettent aux acteurs de l’énergie d’offrir une nouvelle lecture plus précise et transparente de l’énergie circulant sur le territoire aux différentes échelles (individus, communes, régions, nations). Ces informations sont généralement diffusées par le biais de plateformes numériques et s’accompagnent de nouvelles offres d’énergie pour les consommateurs (options tarifaires, ajustement de la puissance souscrite…) stimulant l’ouverture à la concurrence imposée par la législation européenne (Ouverture à la concurrence depuis 2007 de la fourniture électrique et gaz).
En second lieu, l’évolution des réglementations nationales et européennes met en lumière de nouveaux besoins chez les consommateurs. La loi relative à l’énergie et au climat du 8 novembre 2019, introduisant dans le droit français la notion de « communautés d’énergies renouvelables » constitue un bon exemple de ces évolutions récentes. Cette formalisation juridique appuie l’émergence de nouveaux services aidant les citoyens à prendre part au marché de l’énergie non plus en tant que consommateur mais aussi en tant que producteur. À titre d’exemple, des plateformes destinées à faciliter la gestion de contrats entre tiers existent pour aider les porteurs de projets dans le cadre d’une opération d’autoconsommation collective (opération dans laquelle un ou plusieurs producteurs fournissent en énergie un ou plusieurs consommateurs finaux).
Développer une culture de l’énergie auprès des citoyens apparaît comme incontournable pour concrétiser la transition énergétique, et passe aussi par une implication citoyenne dans le développement de projets d’énergie qui peut prendre plusieurs formes :
- Une participation au financement : les porteurs de projet de production d’énergie renouvelable peuvent ouvrir le financement de leurs projets aux citoyens du territoire (investissement au capital, remboursement de la dette, etc.) et communiquer régulièrement sur l’avancement des projets, ce qui initie un dialogue et favorise aussi une meilleure acceptabilité des projets par la population.
- Une participation dans la gouvernance des projets : certains projets sont portés directement par des collectifs de citoyens qui se regroupent, notamment en coopérative, et peuvent s’associer à d’autres acteurs publics ou privés via des structures juridiques telles que les sociétés d’économie mixtes (SEM).
Ces évolutions, portant à la fois sur la place du citoyen dans la demande et les services développés par l’offre, amènent à des nouvelles organisations et relations entre les acteurs au sein d’un territoire.
Projet participatif
Un projet participatif permet aux citoyens d’accéder à une part (minoritaire) du capital et tend généralement à les inclure davantage par le biais de consultations.
Il existe plusieurs modèles de finance participative
- dons : Le particulier donne des fonds et en échange, il a droit à une contribution, plus ou moins importante, en lien avec le projet financé
- prêts : Le particulier réalise un prêt titre gratuit ou rémunéré, c’est-à-dire qu’il prête de l’argent, avec ou sans intérêt
- investissements : Un investissement en capital ou en fonds propres revient à une prise de participation par la souscription de titres (actions ou obligations) ou de minibons. En contrepartie, l’investisseur perçoit une rétribution financière par les dividendes et la plus-value éventuelle réalisée lors de la revente de ces titres.
Projet citoyen
Un projet citoyen vise explicitement à mettre en avant la gouvernance et l’initiative citoyenne, autour d’un portage local du projet durant toutes ses phases. Il relève d’une recherche d’appropriation par les habitants et les acteurs locaux, directement et sans intermédiation. Il peut être à l’initiative des citoyens ou co-construits en coopération avec les acteurs publics et privés locaux.
Les projets participatifs et citoyens en Île-de-France
En quelques années les projets participatifs et citoyens se sont multipliés avec à la fois la naissance d’une quinzaine de collectifs ou coopératives locales et la réalisation de premières installations d’énergie renouvelable (en particulier des centrales solaires sur des toitures de bâtiments municipaux). En parallèle, l’ouverture du financement de projets « classiques » d’énergie renouvelable a permis l’émergence de plusieurs projets participatifs comme récemment, avec succès, l’extension de réseaux de chaleur, la récupération de chaleur fatale et la géothermie. Au-delà de la prise de conscience des citoyens, ce phénomène est encouragé par le développement de politiques de soutien des projets ainsi que la structuration de réseaux régionaux d’accompagnement, notamment Énergie partagée Île-de-France. L’AREC vous propose cette première carte interactive des projets participatifs et citoyens en Île-de-France : https://geoweb.iau-idf.fr/portal/apps/SimpleViewer/index.html?appid=5fe7ad69c7fd46a48926d670234af872